Archives de catégorie : Antiquité-Avenir signale

Compte rendu_Stéphane Toussaint, La liberté d’esprit. Fonction et condition des intellectuels humanistes

Stéphane Toussaint, La liberté d’esprit. Fonction et condition des intellectuels humanistes, Paris, Les Belles Lettres, 2019.

La lutte pour la liberté spirituelle donne sa signification à l’humanité, affirmait en 1944 le grand sociologue de la culture Alfred Weber.
Approfondissant un tel postulat, cette recherche consacrée à la liberté d’esprit emprunte ses exemples à certains intellectuels humanistes anciens et modernes, de Marsile Ficin à Erwin Panofsky et au-delà, tout en s’interrogeant sur les conditions d’une pensée libre aujourd’hui.

Voici le compte rendu de Cécilia Suzzoni:

CR_Stéphane Toussaint_CS

Notes de lecture 1_M. Lucken_Le Japon grec

Michael LUCKEN, Le Japon grec. Culture et possession, Paris, Gallimard, « Bibliothèque des Histoires », 2019, 256 p.

« Tout est là », se dit le non-spécialiste du Japon, le livre refermé ! Un parcours chronologique et thématique des origines à nos jours ; des chapitres courts et équilibrés ; une écriture claire et précise avec ce qu’il faut d’informations sur une langue qu’on ne maîtrise pas ; des concepts définis dans un cadre académique substantiel et actualisé avec notes abondantes en bas de page …

Voici la note de lecture de Violeta MARTINEZ AURIOL :

Notes de lecture 1_M. Lucken_Le Japon grec

 

Notes de lecture 2_C. Ossola_Les vertus communes

Carlo OSSOLA, Les vertus communes (traduit de l’italien par Lucien d’Azay, Paris, Les Belles Lettres, 2019, 148 pages)

Carlo Ossola poursuit dans cet ouvrage une réflexion autour des vertus coutumières, déjà entamée en 2011 avec son court essai En pure perte. Le renoncement et le gratuit. S’il analysait alors ces qualités qui permettent à chacun de se détacher, de s’abandonner, d’atteindre dans son être au monde une forme de quiétude intime et de discrétion, il revient avec Les vertus communes sur des qualités plus sociales, destinées à revaloriser, dans la relation quotidienne à l’autre, un être ensemble plein d’urbanité et d’harmonie : vertus communes, ordinaires, quelque peu ingrates, « petites vertus » en somme, qui, malgré leur humilité un peu terne, ne sauraient encourir le mépris, car elles donnent au quotidien son humanité.

Voici la recension d’Anne BOUSCHARAIN :

Notes de lecture 2_C. Ossola_Les vertus communes

Recension 4_P. Ismard_La cité des esclaves

La Cité des Esclaves. Institution, fictions, expériences

L’ouvrage de Paulin ISMARD (maître de conférences HDR en histoire grecque à l’université de Paris-1 Panthéon-Sorbonne, membre du centre Anthropologie et Histoire des Mondes Antiques, et actuellement membre de l’Institut Universitaire de France ), La cité et ses esclaves. Institution, fictions, expériences (Paris, Éditions du Seuil, 2019, 382 p.) a fait l’objet d’une recension de la part de Monique BILL, Maître de conférences émérite de grec – Université de Lorraine. En voici le compte rendu :

P. Ismard_La cité des esclaves

L’UNESCO rejoue Tartuffe!

L’UNESCO rejoue Tartuffe !

« … Couvrez ce sein que je ne saurais voir :
Par de pareils objets les âmes sont blessées… »
(Le Tartuffe, III, 2, 860-861), 1664.

À l’occasion des journées du patrimoine 2019, l’UNESCO a accueilli dans ses locaux, parmi plusieurs manifestations de qualité, l’œuvre du plasticien Stéphane Simon, intitulée « In Memory of Me » qui comportait notamment deux statues masculines nues dans la tradition antique.
Or l’UNESCO a demandé à l’artiste de voiler les sexes de ses statues afin de « ne pas choquer certaines sensibilités » (sic). Le réseau Antiquité-Avenir, qui a apporté son soutien à cet événement, s’indigne de cette censure. Son président en a fait part à la direction de l’UNESCO, sur place oralement, puis par écrit, demandant à connaître les raisons de cette censure. La réponse qui lui a été donnée esquive la question de manière inacceptable et ne fournit aucune explication.
Dans cette affaire, il n’existe en effet pas une seule sensibilité, mais deux groupes de sensibilités, qui sont irréconciliables. Car cette décision heurte la sensibilité laïque des hommes et des femmes de culture de nombreux pays pour lesquels ces tartufferies sont d’un autre âge. Cela fait quatre siècles et demi que le Braghettone a voilé les fresques de la Sixtine, sur ordre de l’Église ! Et c’est à Paris, capitale d’un État laïque, qu’on impose, en 2019, une censure du même ordre à un artiste !
Le travail de cet artiste revendique une filiation avec la statuaire grecque, en particulier pour la nudité héroïque de ses modèles. Faudra-t-il un jour enfouir dans les réserves de nos musées, ôter des jardins ou des façades de nos monuments publics, les œuvres représentant les chairs, masculines ou féminines, car jugées inopportunes par « certaines sensibilités » ? Va-t-on envelopper la statue de David de Michel-Ange, recouvrir les nombreuses fontaines arborant les trois Grâces telles celles de Raphaël, emmitoufler les femmes nues de Rubens ou d’Ingres ?
Le choix qui a été effectué est un choix politique, au sens grec du terme. Et il est extrêmement grave : il porte atteinte à la liberté du créateur, il bafoue un patrimoine artistique majeur de nos civilisations, celui de l’Antiquité.
Antiquité-Avenir s’insurge aujourd’hui contre des choix qui heurtent de plein fouet les valeurs humanistes, altruistes et tolérantes qui fondent son action. Il tient à en informer l’opinion éclairée et libre des citoyens de de notre pays et, au-delà de nos frontières, de tous les hommes et de toutes les femmes de bonne volonté qui luttent pied à pied contre les démons de l’obscurantisme, d’où qu’il vienne.

Le directoire d’Antiquité-Avenir. Réseau des associations liées à l’Antiquité.

Voici la lettre en version Word:

Inquiétude et indignation_UNESCO_30.09.19

 

Conférence M. Ferrand_Le théâtre néo-latin de la Renaissance en France

Conférence de l’ALLE (10.10.19)

La conférence de rentrée de l’association sera donnée par Mathieu Ferrand, Maître de conférences à l’Université de Grenoble, spécialiste du théâtre néo-latin, le jeudi 10 octobre prochain : « Le théâtre néo-latin de la Renaissance en France » (18h30-20h au lycée Henri-IV, salle Julien Gracq).

En voici l’affiche de présentation:

Conférence M. Ferrand_Le théâtre néo-latin de la Renaissance en France

 

Colloque international « Non Graecos minus barbaros quam Romanos puto »

Les Romains et les Grecs de leurs temps de la prise de Tarente à l’édit de Caracalla

Première partie : Au temps de la République romaine

Du 3 au 5 octobre 2019
Salle Dussane, ENS, 45 rue d’Ulm, Paris 5e

→ Télécharger le programme:

Programme_Colloque_non Graecos

Organisation : Mathilde Simon (ENS, AOROC) et Sophie Lalanne (U. Paris 1, ANHIMA)
Contacts : sophie.lalanne@univ-paris1.fr ; mmahe@ens.fr

Si la place de l’hellénisme dans le monde romain a été bien étudiée, les rapports que les Romains entretenaient avec les Grecs de leur temps, ainsi que la manière dont ils les considéraient méritent d’être explorées plus avant. Quelles relations les Romains nouèrent-ils donc avec les Grecs avec lesquels ils étaient en contact ? Et tout d’abord, comment perçurent-ils les Grecs vivant en Grande Grèce, sur le sol même de l’Italie ? Lorsqu’ils commencèrent à remporter des victoires sur les rois hellénistiques, firent-ils une distinction entre hellénisme et peuple grec pour mieux assumer l’héritage de l’un sans s’encombrer de l’autre ? Les Romains faisaient-ils une différence entre Grecs de Grèce, d’Italie et d’Orient ? Quelles relations personnelles les aristocrates romains avaient-ils avec des Grecs ? Et quels Grecs ? Le statut social était-il le facteur prédominant dans le choix de ces relations ? Nous nous interrogerons, dans ce premier colloque, sur les relations que les Romains entretenaient avec les Grecs de Rome, d’Italie et des provinces de l’empire, de la chute de Tarente en 272 av. J.-C. à la fin de la République.

Déclaration du directoire d’Antiquité-Avenir à la veille du second tour des élections présidentielles

Antiquité-Avenir, Réseau des Associations liées à l’Antiquité ne s’apparente pas à un parti politique et n’a pas vocation à donner de consigne de vote. Néanmoins, le directoire d’Antiquité-Avenir tient à rappeler que la charte du réseau, comme sa tribune du 30 mars 2017 expriment des valeurs républicaines et humanistes opposées à celles qu’affiche Madame Le Pen.

Lettre des associations d’historiens aux candidats à l’élection présidentielle

Madame, Monsieur le/la candidat.e. à l’élection présidentielle,

Les soussignés, présidents d’associations professionnelles d’historiens, agissent avec leurs pairs pour la défense et le rayonnement de la discipline historique, dont il n’est pas nécessaire de rappeler le rôle fondamental qu’elle joue dans la formation du citoyen. C’est pourquoi, à l’approche d’une échéance essentielle dans la vie démocratique de notre pays, ils vous interpellent afin de connaître votre position sur les points suivants :

– L’histoire est mobilisée, et parfois instrumentalisée, par et dans le discours politique. Si cette discipline n’appartient à personne, elle est toutefois au cœur de la construction de récits nationaux fortement divergents suivant les sensibilités politiques. Quelle doit-être, selon vous, la relation unissant un homme/une femme politique et plus encore un chef d’État avec la production et la diffusion d’un discours scientifique sur l’histoire ?

– Les récents classements internationaux des universités révèlent que la chute des établissements français résulte largement d’un taux d’encadrement des étudiants très inférieur aux moyennes internationales  (source : Le Monde, 2016). Quel est votre plan pour résorber cette pénurie objective de postes dans le supérieur, qui affecte la position de la recherche et de l’enseignement supérieur français et, par voie de conséquence, son attractivité ?

– Nous sommes des enseignants-chercheurs et à ce titre des formateurs. C’est pourquoi nous nous inquiétons vivement du devenir de nos étudiants, en particulier de nos docteurs, dont un trop grand nombre est en situation de précarité. Face à la pénurie criante de débouchés, notamment à l’université et au CNRS, quelles mesures entendez-vous mettre en œuvre pour améliorer la situation et surtout la résorber, en donnant à ces jeunes de meilleures perspectives de carrière en France ?

– Les concours du CAPES et de l’agrégation constituent actuellement la principale voie de recrutement des enseignants du secondaire. Comment voyez-vous l’avenir de ces concours ?

– Un certain nombre de ces docteurs, mais aussi des doctorants, réussissent les concours d’enseignement et travaillent dans des établissements secondaires, collèges ou lycées. Que proposez-vous afin que leur position de chercheur soit prise en compte par les chefs d’établissement, leur permettant ainsi de concilier leur engagement professionnel et la poursuite de leur activité de recherche ?

– Les bibliothèques universitaires constituent l’un des outils privilégiés par les étudiants durant la totalité de leurs études. Or, à bien des égards, nombre de ces bibliothèques sont dans une situation financière déplorable, tant en moyens humains (manque de personnel, réduction des horaires d’ouverture) qu’en moyens financiers (réduction de l’achat d’ouvrages ou des abonnements à des bouquets numériques). Quelles solutions envisagez-vous afin de remédier à cette carence très dommageable pour la formation de nos étudiants ?

Madame, Monsieur, le/la candidat.e à l’élection présidentielle, nous vous remercions par avance de l’intérêt que vous voudrez bien porter à ces quelques questions. Nous porterons vos réponses à la connaissance des membres de nos associations, attachées au développement et au rayonnement de la formation universitaire de haut niveau dont notre pays a besoin dans un environnement international de plus en plus concurrentiel.

Veuillez recevoir, Madame, Monsieur, l’expression de notre haute considération.

Catherine Grandjean, Présidente de la SoPHAU : Société des Professeurs d’Histoire Ancienne de l’Université
Dominique Valérian, Président de la SHMESP : Société des Historiens Médiévistes de l’Enseignement Supérieur Public
Lucien Bély, Président de l’AHMUF : Association des Historiens Modernistes des Universités Françaises
Jean-Claude Caron, président de l’AHCESR : Association des Historiens Contemporanéistes de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche

Cette lettre ouverte a été publiée sur le site Internet de la SoPHAU à l’adresse suivante :
Lien vers la lettre ouverte

Lettre de l’APLAES aux candidats à l’élection présidentielle

ASSOCIATION DES PROFESSEURS DE LANGUES ANCIENNES DE L’ENSEIGNEMENT SUPERIEUR

LETTRE OUVERTE AUX CANDIDATS à l’ÉLECTION PRÉSIDENTIELLE

Marie-Rose GUELFUCCI
Présidente de l’APLAES,
3 rue Garibaldi, 25 000 – Besançon                                                              marie-rose.guelfucci@univ-fcomte.fr

                                              Le 18 avril 2017,

Madame, Monsieur,

Vous êtes candidate ou candidat à la Présidence de la République et briguez ainsi les plus hautes responsabilités de l’État. Or, à quelques jours du premier tour de l’élection et à quelques semaines de la prise des plus hautes fonctions par celui ou celle qu’aura désigné(e) le suffrage universel, l’absence persistante dans les débats des questions pourtant essentielles que sont l’éducation et l’enseignement supérieur ne laisse pas d’être surprenante. Car il s’agit là de la formation de notre jeunesse et des citoyens de demain, mise à mal depuis des années, de gouvernements en gouvernements, par une succession de réformes décidées et appliquées trop vite, et sans concertation véritable avec les acteurs de terrain. Concernant plus particulièrement l’Université, l’APLAES (l’Association des Professeurs de Langues Anciennes de l’Enseignement Supérieur) tient donc à vous alerter contre des idées erronées et contre des mesures qui, figurant largement dans plusieurs programmes, méconnaissent les réalités du terrain comme les qualités du système français, largement reconnues cependant par nos collègues étrangers.

Comme tous les universitaires, nous sommes enseignants chercheurs, avec une triple mission aux éléments étroitement complémentaires : la formation initiale ; la formation continue ; la recherche – recherche de fond dans nos domaines de spécialité, ou recherche à durée très déterminée dans le cadre de projets régionaux, d’appels à projets européens et internationaux, ou de projets spécifiques conduits au sein de nos équipes de recherche. Malgré les difficultés croissantes, qui portent parfois atteinte à ces missions, l’Université s’efforce de remplir au mieux son rôle, mais non sans des dégâts qu’une réelle volonté politique pourrait éviter :

– Concernant la formation et l’initiation à la recherche en Langues anciennes, à la vitalité bien réelle, nous mettons en garde contre une erreur extrêmement grave ou un moyen d’économie mal pensé, qui visent à justifier des mesures de fermeture progressive ou de maintien très partiel, sous forme d’enseignements optionnels, des départements de Langues anciennes ou Langues et Cultures de l’Antiquité : la dissociation, s’agissant des effectifs, des étudiants de Lettres classiques et des étudiants d’autres filières qui, pour leur cursus, leur (initiation à la) recherche ou leurs métiers futurs, ont absolument besoin d’être formés aux langues grecque et latine et aux textes dont elles donnent la clef – historiens, historiens de l’art, philosophes, étudiants en langues romanes ou sciences du langage, juristes entre autres exemples. Imaginerait-on, pour l’histoire ou la civilisation américaines par exemple, une formation des étudiants sur textes traduits, dissociant celles-ci de la langue ? Il y a là un risque très grave pour les cursus universitaires et la recherche elle-même si l’on assèche ainsi le vivier des chercheurs potentiels. Or ce risque est aggravé en France par la réforme du collège qui, contrairement à ce qui est avancé, ne maintient pas pour le latin un enseignement fléché et des heures précisément réservées, et par l’impossibilité faite à de trop nombreux élèves de poursuivre au lycée. À l’université, une formation spécifique en Lettres classiques, avec ses disciplines fortes que sont la littérature française, le latin et le grec, mais également les sciences de l’Antiquité, peut (avec des unités disciplinaires de latin et de grec généralement ouvertes aux étudiants d’autres filières) et doit être maintenue. Car si motivés et volontaires que soient nos étudiants – de toutes filières –, l’écart ne peut que se creuser avec les étudiants européens — et cela devient perceptible dans les cours et séminaires fréquentés par les étudiants Erasmus. En matière de formation, est-ce en outre le moment, dans les dangers actuels, de renoncer à donner la connaissance de langues et de civilisations qui, à l’origine de notre culture et de nos valeurs et aptes à les faire comprendre, sont aussi un socle commun et un pont si important entre les langues et les civilisations d’aujourd’hui ?
Nous sommes conscients des contraintes économiques, mais il y a là un choix politique nécessaire, et il est de la première importance de préserver au niveau national dans nos universités, et tout particulièrement dans les universités pluridisciplinaires, des Pôles littéraires forts sans lesquels une université ne saurait plus être elle-même – ce pourrait être une question de dotations spécifiques à définir. Au-delà des Langues anciennes, ce choix politique vaut pour toutes les disciplines qui, dans le domaine des Sciences humaines et sociales (SHS), construisent une culture et une pensée tout en donnant un métier : la philosophie, l’histoire ancienne et médiévale, la musicologie, l’italien ou l’allemand, étonnamment menacés de disparition à un moment où Erasmus facilite et encourage la mobilité étudiante. L’Université est certes consciente des contraintes et des obligations qui sont les siennes, et son rôle dans la formation professionnelle est indéniable. Mais s’adressant à de (tout) jeunes adultes, elle n’en doit pas moins rester un lieu de savoir.

– Concernant la recherche elle-même et sa place à l’international, nous vous alertons contre des mesures d’économie dues à des dotations insuffisantes, mesures dont nous faisons en sorte de tenir compte tant qu’elles ne sont pas mécaniquement délétères : celles, par exemple, qui n’établissent aucune priorité, en matière de maintien de postes universitaires, entre un comptage comparatif automatique d’effectifs dans les formations (effectif limité en outre pour les postes en Langues anciennes aux seuls étudiants de Lettres classiques) et une chaire de Professeur, internationalement reconnue et nécessaire parce que rare, mais qui risque ainsi d’être supprimée pour redéploiement ; ou celles qui, adjoignant tel décret restrictif (46.3, par exemple) à la publication d’un poste de Professeur resté unique (souvent à force de redéploiements systématiques dans d’autres disciplines) peuvent, dans la situation actuelle de recrutement insuffisant de maîtres de conférence pourtant brillants, empêcher qu’il ne soit pourvu. Ajoutons qu’en Langues anciennes, la recherche concerne aussi la réception de l’Antiquité, la transmission des manuscrits ou des courants de pensée, et que ces suppressions nuisent donc, de surcroît, à l’efficacité des laboratoires dans leur ensemble.

– Enfin, et sans même parler de la (sur)charge de tâches administratives, non reconnues pour beaucoup, qui touche les universitaires, nous vous alertons sur la souffrance au travail qui a été générée pour tous, personnels et étudiants, y compris en formation continue, par le système incessant des maquettes de formation, faites, défaites et refaites pour s’adapter aux contraintes des COMUE ou à celles des regroupements par grandes régions. Car les contours des COMUE ont pu brusquement changer ou se reconfigurer, et faire ainsi obstacle à des collaborations en formation ou en recherche patiemment créées, tandis que les différents regroupements (COMUE et grandes régions) découragent des étudiants de valeur qui n’ont pas les moyens d’étudier si loin de chez eux, ou viennent imposer aux inscrits en formation continue de travailler à tel endroit en suivant parallèlement cette formation en tel autre – qui n’est proche de leur lieu de travail que dans l’abstraction d’une carte géographique. Si les différentes universités travaillent certes en collaboration avec des universités proches, françaises ou étrangères, et souvent très bien grâce à des accords ou à des cohabilitations, le fait d’imposer par force des cadres généraux ne peut qu’appauvrir le maillage national ou lui nuire. De même, si les différentes universités travaillent avec leurs partenaires régionaux, leur donner les moyens de cette collaboration est bénéfique, mais renforcer leur autonomie par une mesure générale qui ne tient aucunement compte des spécificités existantes et sans leur garder une identité nationale serait un risque sérieux pour la qualité des formations comme pour la recherche. Nous rappelons avec force l’importance, en termes de professionnalisme, de réputation et de garantie d’équité, des instances nationales dans lesquels tous les universitaires peuvent être appelés à siéger, Conseil National des Universités (essentiellement comme membres élus par la communauté universitaire), jurys des concours nationaux de recrutement, ou organismes d’évaluation des formations et de la recherche.

C’est pourquoi nous vous demandons quelles orientations politiques fortes vous comptez définir en matière d’enseignement supérieur et de recherche si vous êtes élu(e), ou appuyer dans le cas contraire, pour préserver sur l’ensemble du territoire :

  • une offre nationale en disciplines dites “rares”, dont les lettres classiques font partie, afin de maintenir, au sein des universités pluridisciplinaires, des Pôles littéraires forts ;
  • la possibilité pour le plus grand nombre d’étudiants de suivre, en complément de sa formation fondamentale, les enseignements de langues, littératures et civilisations anciennes qui lui sont nécessaires ;
  • un vivier de chercheurs et d’enseignants chercheurs en langues anciennes et en sciences de l’Antiquité.Nous voudrions, pour conclure, souligner la fulgurante actualité des textes antiques dans cette étrange campagne présidentielle : le 24 mars dernier à 10h, 5000 lecteurs à travers le monde ont lu en même temps un chant de l’Odyssée de leur choix en toutes les langues et en grec ancien, dans le cadre du festival latin-grec européen et à l’initiative de deux collègues lyonnais. En ce moment où il est tant question de « démocratie grecque » (et où le sens du terme « démocratie » est convoqué et interrogé par tant de discours), nous rappellerons qu’en grec ancien, le terme politeia désigne certes une constitution politique et ses institutions, mais également – et en même temps – les mœurs des citoyens, la philosophie grecque de l’histoire, suivie par les penseurs de la Renaissance italienne et des Lumières, montrant exactement comment et à quel moment les constitutions et les civilisations se perdent avec l’amenuisement, inévitablement humain, des vertus civiques : le courage et la modération de chacun, le désintéressement et le dévouement au collectif des dirigeants politiques (ou des États, à l’international) ; mais la dégénérescence peut être néanmoins retardée par la connaissance et la maîtrise temporaire du processus – celles-là même que l’étude des textes peut donner, s’ils les lisent, aux générations futures.

Pour l’APLAES
La présidente, Marie-Rose Guelfucci