Association des Études grecques

Demandes de l’Association des Études grecques aux candidats à l’élection présidentielle

L’Association des Études grecques est vivement préoccupée par le sort réservé à la langue, la littérature et la civilisation grecques dans l’enseignement français au niveau de l’enseignement secondaire et de l’enseignement supérieur.

Dans l’enseignement secondaire, les langues anciennes, dont les méthodes d’enseignement ont considérablement évolué en s’appuyant notamment sur les apports du travail en équipe et des TICE (où elles jouent un rôle pionnier), contribuent fortement à la maîtrise du français et structurent la conscience d’une culture européenne et méditerranéenne commune. L’enseignement du grec ancien joue à cet égard un rôle essentiel pour les élèves de collège et de lycée : il leur permet en particulier une connaissance des grands mythes fondateurs et des premiers grands textes littéraires, mais aussi une initiation progressive à l’histoire de l’art, ainsi qu’à l’histoire des sciences et à la science politique, toutes disciplines auxquelles le grec ancien a fourni un grand nombre de termes précis et de concepts essentiels. La valeur véritable de cet héritage est souvent méconnue si ne sont plus enseignées ni la langue dans toute sa richesse et sa portée, ni l’histoire des mots et de la pensée qu’ils expriment. L’enseignement du grec ancien permet en effet aux élèves, en passant par le prisme essentiel de la langue, une meilleure appréhension de ces aspects essentiels. Il contribue en outre à faciliter la maîtrise du français, qui est un enjeu fondamental de la formation des élèves quelle que soit leur orientation future, et contribue ainsi, avec le latin, à réduire les inégalités entre élèves.

Contrairement à ce qui est parfois allégué, ces enseignements en collège restent attractifs en raison du profond renouvellement des méthodes d’enseignement des professeurs, et ils constituent dans des collèges a priori peu favorisés un moyen culturellement fort de promouvoir l’égalité des chances entre élèves, puisqu’ils favorisent une connaissance rigoureuse et approfondie de notre langue et qu’ils sont l’un des moyens d’accès privilégiés à une culture partagée.

Or, la réforme du collège a mis à bas la possibilité démocratique d’offrir cet enseignement à tous les élèves quel que soit leur lieu de résidence : il ne peut plus, en effet, apparaître qu’indirectement au sein des EPI (enseignements pratiques interdisciplinaires), sous la forme de l’appellation « Langues et Cultures de l’Antiquité » (LCA), ou comme enseignement de complément, mais sans figurer dans les grilles réglementaires et sans disposer de moyens explicitement fléchés, soumis au bon vouloir des chefs d’établissement, et parfois même enseigné par un professeur qui n’a pas de formation de Lettres classiques : son enseignement comme discipline a été de fait gravement mis à mal.

C’est pourquoi nous vous demandons solennellement quelles mesures vous mettrez en œuvre dans le secondaire pour promouvoir les langues anciennes et particulièrement l’enseignement de la langue, de la littérature et de la civilisation de la Grèce ancienne. Nous souhaitons tout particulièrement :

– le rétablissement en collège d’un véritable enseignement optionnel de grec ancien en tant que discipline reconnue, avec les horaires antérieurs à la réforme, et sans que l’enseignement du latin ou du grec soient exclusifs l’un de l’autre.

– en lycée, dans le cadre d’une filière L, un enseignement de latin et de grec, et la possibilité pour les élèves scientifiques de prendre du grec en option.

Dans l’enseignement supérieur, et dans le cadre de l’autonomie des établissements, le grec constitue souvent un apport essentiel aux autres formations disciplinaires, en sciences humaines bien sûr, mais également en sciences, notamment en médecine ou en mathématiques. Dans ce type de formation, destiné à un public non-spécialiste, la prise en compte de la langue doit rester fondamentale, cette dernière risquant trop souvent d’être sacrifiée au profit d’une culture généraliste :  qu’il s’agisse de recherches approfondies en archéologie, en histoire, en paléographie, en épigraphie, en philosophie, en littérature — de la littérature médiévale à la littérature contemporaine, française et européenne —, la connaissance des langues latine et grecque est indispensable ; les ignorer dans l’enseignement supérieur contribuera au déclin de la place scientifique de la France dans le monde.

L’Association des Études Grecques regroupant la plupart des chercheurs et enseignants chercheurs dont les travaux en sciences de l’Antiquité sur le monde grec sont connus au plan national et international, s’inquiète plus particulièrement de voir les formations spécifiques en Lettres classiques se réduire  dangereusement. À moyen terme, le renouvellement de chercheurs et d’enseignants-chercheurs français s’en trouvera définitivement compromis, et cela au moment même où la politique scientifique du CNRS se donne l’objectif de promouvoir les recherches dans les disciplines rares, où l’ANR soutient des projets de pointe dans le domaine des sciences de l’Antiquité, notamment à travers certains LabEx, et où, dans un contexte international fortement concurrentiel, la science française, dont la qualité est reconnue, doit conserver son rang – et, pour cela, veiller à la formation des générations montantes qui continueront de la faire rayonner.

Il importe à cet égard que soit naturellement maintenue une formation spécifique de spécialistes en Lettres classiques, et pour permettre à terme la relève dans ces domaines de la recherche, que soient maintenus et promus les concours de Lettres classiques, et notamment rétabli un capes spécifique à cette discipline. Nous souhaitons en particulier que la qualification des étudiants dans ces concours exigeants soit prise en compte comme une formation professionnalisante dans les évaluations des formations permettant aux universités d’établir leur carte des formations.

Afin que les universités, dans le cadre de leur autonomie, puissent partout où c’est possible promouvoir un enseignement de haut niveau en langue, littérature et civilisation grecques, nous vous demandons de vous engager à rendre à ces formations toute leur valeur.